Parce que nous ne sommes pas des machines, nous n’apprécions pas toujours la perfection rythmique.
Une trop grande précision et une trop grande régularité dans le rythme nous font percevoir la musique comme froide, éteinte, tout sauf vivante.
D’un autre coté, si le rythme est chaotique et le tempo complètement instable, la musique nous semble certes vivante, mais surtout mal jouée.
Pour trouver le juste milieu entre ces deux extrêmes, il va falloir trouver le bon positionnement rythmique par rapport au temps.
Jouer sur le temps
Ce que l’on appelle « jouer sur le temps » consiste à placer les notes de manière très précise par rapport au tempo.
Si le tempo nous est indiqué par un métronome, les notes devront être jouée exactement au même moment que le clic du métronome, ou sur une division précise du temps (la moitié, le tiers, le quart…).
Dans la pratique, il est humainement impossible d’atteindre ce placement rythmique parfait, seule une machine (ordinateur, boîte à rythmes…) en sera capable.
Lorsque nous voulons jouer sur le temps, nous tentons simplement de nous en rapprocher le plus possible.
Ça signifie que même s’il nous semble réussir à atteindre une précision convenable, certaines notes seront légèrement anticipée et d’autres légèrement retardée.
Par conséquent, c’est précisément notre incapacité à jouer parfaitement sur le temps qui donne à la musique ce coté vivant, humain, que les machines ont du mal à simuler.
Jouer devant le temps
« Jouer devant le temps » consiste à faire en sorte de délibérément anticiper toutes les notes.
Ça signifie que chaque note jouée sera légèrement en avance sur le tempo, donc sur le clic du métronome.
Lorsqu’on choisit de jouer devant le temps, il s’agit bien évidemment d’une interprétation subtile.
Le but n’est pas de décaler toutes les notes d’un demi-temps, mais juste de quelques millisecondes.
D’ailleurs, il nous est difficile d’entendre cette anticipation.
Elle est généralement plus ressentie que réellement entendue, si je puis dire.
Quel est l’intérêt de jouer devant le temps ?
On pourrait se contenter de jouer sur le temps, et notre imprécision rythmique suffirait à rendre la musique vivante et intéressante.
Mais le fait d’exagérer ce décalage en anticipant toutes les notes va apporter une sensation d’accélération, un gain d’énergie.
Il y a certains morceaux pour lesquels jouer devant le temps permet donc d’apporter un certain dynamisme rythmique.
Attention cependant, beaucoup de guitaristes ont le défaut de jouer systématiquement devant le temps.
Il ne faut pas confondre le fait de jouer devant le temps par manque de précision rythmique, et jouer devant le temps par choix musical lorsque le morceau s’y prête.
Jouer derrière le temps
Vous l’aurez peut-être deviné, jouer derrière le temps est le procédé inverse, qui consiste à légèrement retarder toutes les notes par rapport au tempo.
On emploie aussi souvent l’expression « jouer au fond du temps ».
Jouer derrière le temps requiert la même subtilité que jouer devant le temps.
Il ne s’agit pas là non plus de créer un retard flagrant.
L’idée est simplement de donner une sensation de rythme posé, lourd, décontracté et une impression de ralentissement.
De nombreux morceaux gagnent à être joués au fond du temps pour leur apporter la lourdeur ou la détente requise pour certains styles.
Comment jouer devant ou derrière le temps ?
Autant le principe est facile à comprendre de manière théorique, autant la mise en pratique peut-être plus délicate.
L’anticipation ou le retard des notes est très subtil.
La mise en œuvre sera donc de l’ordre du ressenti.
Pour être capable de ressentir des notes jouées devant ou derrière le temps, il faut déjà être capable de jouer sur le temps.
C’est pourquoi il n’est pas intéressant pour les débutant d’aborder ce sujet tant qu’ils ne sont pas capable de jouer parfaitement en rythme en respectant un tempo stable et en suivant un métronome.
Le métronome est d’ailleurs un excellent outil pour travailler ce placement rythmique.
Pour jouer au fond du temps, l’exercice va consister à simuler un ralentissement, mais en tentant de ne pas se laisser distancer par le tempo du métronome.
Commencez à ralentir de manière très légère, puis lorsque vous repérez que vous commencez à prendre trop de retard, accélérez légèrement de manière à rattraper le tempo.
Avant de parvenir à maintenir à la fois un tempo stable et ce léger retard par rapport au temps, il va probablement falloir pas mal de pratique.
Mais cet exercice va vous aider à affiner votre perception rythmique, et vous y gagnerez dans tous les domaines de votre jeu de guitare.
Pour jouer devant le temps, le principe sera le même, sauf que l’on va simuler une accélération du tempo, en ralentissant lorsqu’on a l’impression d’avoir pris trop d’avance.
Dans les premiers temps, vous aurez peut-être tendance à alterner accélérations et ralentissements sans parvenir à stabiliser votre rythme.
C’est une étape normale, et il ne faut pas se décourager car la perception et la précision rythmique d’un musicien se développe tout au long de son parcours, même après des années de pratique.
Mais sachez que même si les résultats ne sont pas immédiats, le simple fait de travailler votre placement rythmique apportera beaucoup à votre jeu de guitare.
Commentaires
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si t’as ps le ressenti… attend encore un peu, là c’est réellement le feeling
Bonjour, je cherche à savoir quel est le terme anglais pour « jouer au fond du temps » ? Playing downbeat ? afterbeat ? off-beat ? behind the beat ? Ce n’est pas cela, à mon avis – je suis curieux de connaître le terme exact – merci d’avance
Bonjour Sophie,
Le choix d’une interprétation devant le temps ou au fond du temps est assez subjectif, ça dépend donc du ressenti que l’on a du morceau.
Mais pour « Nothing Compares To U », je pense que le jeu au fond du temps doit faire l’unanimité.
Pascal
Bonjour
Nothing compares si il est joué à la guitare doit elle être au fond du temps ?
Merci
Sophie
C’est une approche particulièrement difficile a aborder quand on est habitué a travailler au tempo..
C’est vraiment très subtile…
ça revient a apprendre a désapprendre..
Un des exercice serait de prendre pour exemple des chansons de Aznavour ou Sinatra qui chante particulièrement hors tempo..
mais les exemple de Marley; Kravitz sont parfait..
Bonjour PASCAL
Merci pour cet article. Pour ma part le plus simple est souvent de s’entrainer avec le morceau original pour s’imprégner du tempo et se régler.
mais autant pour une guitare rythmique sans chant qui peut compter mentalement ses mesures c’est plus facile .le début de refrain ou d’un couplet décale souvent un guitariste qui chante en s’accompagnant y a t il une méthode pour compenser ce décalage ?
car être légèrement en avance passe vis a vis des autres musiciens d’un groupe mais en retard alors là c’est mortel et non accepté
merci pour tes explications et si il y un article a ce sujet je suis intéressé de le connaitre
Bonjour Guillaume,
Voici quelques exemples de morceaux joués au fond du temps, dans des styles différents :
Bob Marley – Is This Love?
Stevie Ray Vaughan – Cold Shot
Rage Against The Machine – Killing In The Name
Et pour les morceaux joués devant le temps :
James Brown – I Got You (I Feel Good)
Lenny Kravitz – Are You Gonna Go My Way?
C’est juste quelques exemples qui me venaient en tête, mais ce n’est pas toujours évident à percevoir.
Parfois c’est la basse qui joue derrière, parfois c’est la guitare qui joue devant…
La sensation générale dépend de l’interprétation de chaque musicien et de l’interaction entre tous les instruments.
Donc la réalité est rarement aussi marquée et aussi stable que sur mes dessins.
Pascal
Bonjour Pascal,
Encore un article très intéressant. Pourrais-tu cependant nous donner quelques exemples ou l’on ressent bien que les morceaux sont joués devant ou derrière le temps.
Merci par avance
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