Voilà une question que beaucoup de guitaristes se posent à juste titre, et pas seulement les débutants.
Faut-il apprendre plusieurs morceaux en parallèle ou faut-il attendre de maîtriser un morceau à la perfection avant de passer au suivant ?
Nous allons tenter dans cet article de trouver quelques pistes de réflexion pour vous aider à prendre la meilleure décision.
Ce que nous cherchons à définir ici, c’est la méthode qui permettra de progresser à la guitare le plus rapidement, donc de travailler de la manière la plus efficace possible.
La stratégie du focus
Si l’on raisonne alors en termes d’efficacité, il peut sembler évident qu’en se focalisant uniquement sur un morceau, un exercice ou une difficulté spécifique, on augmente fortement nos chances d’atteindre des résultats, comme le fait de parvenir à jouer correctement le morceau en question.
En suivant ce mode de pensée, il serait donc préférable de se fixer des étapes, des paliers à atteindre sous forme d’objectifs clairs et en ne dérivant jamais de la méthode de travail que l’on s’est fixée.
Ainsi, cela permettrait de ne pas se disperser et de maintenir une concentration maximale sur l’objectif que l’on s’est fixé, comme le fait de jouer un morceau spécifique.
Dans de nombreux contextes professionnels, c’est probablement la méthode de travail la plus efficace qui soit.
Mais ici, nous ne parlons pas de traiter un dossier client, de réparer une voiture ni de fabriquer une chaise, nous parlons de jouer de la musique.
On peut donc identifier 2 différences majeures :
- Le contexte musical, « artistique », par opposition à d’autres domaines plus concrets ou plus cartésiens.
- Le contexte du loisir, par opposition au contexte professionnel.
1. La musique n’est pas qu’une question de technique
Il n’est pas rare d’entendre parler d’un musicien qui n’est pas un « grand musicien » dans le sens où ses compétences techniques sont « approximatives », mais qui a réussi à développer un style bien à lui, une façon de jouer ou de chanter qui touche son auditoire d’une manière particulière.
A l’inverse, on entend très souvent des musiciens virtuoses qui sont irréprochables d’un point de vue technique, mais dont la façon de jouer ou de chanter ne nous touche pas.
Dans ce dernier cas, malgré l’admiration que l’on peut avoir devant leur impressionnante technique instrumentale, on prendra peut-être plus de plaisir à écouter un musicien moins « compétent » mais plus « musical », plus « humain », plus « touchant » ou tout autre qualificatif que l’on pourrait lui trouver.
Si l’on tient compte de ce paramètre, on prend conscience qu’on ne peut donc peut-être pas utiliser la même stratégie pour apprendre la musique que celle que l’on aurait adoptée pour organiser une chaîne de production industrielle.
Aborder plusieurs morceaux, plusieurs styles de musique, plusieurs techniques voire plusieurs instruments peut donc être profitable pour enrichir sa culture musicale, mixer plusieurs influences pour trouver son propre style ou développer sa créativité.
Par conséquent, même si vous ne vous intéressez par exemple qu’au blues, il ne serait pas forcément une mauvaise idée d’aborder ponctuellement un morceau de bossa en parallèle de vos morceaux de blues favoris.
Ce qui pourrait donc être perçu comme un manque de focus peut donc à l’inverse enrichir vos compétences musicales de manière plus intéressante que si vous vous acharniez toujours sur le même morceau.
2. La guitare est un loisir, donc le plaisir est prioritaire
Le deuxième paramètre à prendre en compte, c’est que l’objectif prioritaire de la musique est généralement le fait de prendre du plaisir, et pas seulement d’acquérir toujours plus de compétences.
C’est déjà le cas lorsque l’on fait de la musique professionnellement, et c’est donc d’autant plus vrai lorsque la pratique de la guitare est un loisir.
Le fait de parler de loisir n’est d’ailleurs pas péjoratif et n’empêche pas d’être ambitieux et de vouloir progresser et d’atteindre un très bon niveau sur son instrument.
Mais ça signifie qu’on ne peut pas se focaliser uniquement sur les résultats, comme un chef d’entreprise le ferait pour atteindre son chiffre d’affaire, quitte à devoir travailler sur des choses qui ne le passionnent pas.
D’autre part, dans le contexte professionnel, le fait d’avoir besoin de gagner sa vie crée souvent la motivation suffisante pour supporter des tâches moins plaisantes.
Si le fait de pratiquer la guitare devient une corvée à cause de l’intensité ou de la méthode de travail que l’on s’est imposée, la motivation risque de ne plus être suffisante, au point parfois de se décourager voire d’envisager d’abandonner l’instrument.
Il peut donc intéressant de ne pas être trop rigide, de rester à l’écoute de ses envies et de son plaisir, afin de conserver cette motivation même si ça implique d’utiliser une méthode de travail moins intense et légèrement moins efficace.
Le fait de travailler plusieurs morceaux en parallèle peut alors permettre de maintenir cette envie en se changeant les idées au moment où les difficultés que présente un morceau deviennent un peu trop décourageantes.
Ça ne veut pas forcément dire abandonner l’idée de jouer le morceau difficile, mais s’autoriser à jouer un autre morceau plus facile ou plus motivant par alternance.
Conclusion
Il est alors délicat de donner une réponse universelle à la question « Faut-il travailler plusieurs morceaux à la fois ? ».
Dans l’absolu, travailler un seul morceau jusqu’à parvenir à sa parfaite exécution semble être la méthode la plus efficace.
Mais nous ne sommes pas des machines !
Nous avons besoin de prendre du plaisir, de laisser parfois notre esprit divaguer ou simplement de jouer des choses qui nous motivent même si elles ne nous font pas spécialement progresser.
Si on raisonne donc sur le long terme, il me semble plus important de conserver la motivation et l’envie de progresser à la guitare, même si ça implique de ne pas toujours utiliser la méthode de travail la plus efficace.
C’est donc à vous de trouver le meilleur compromis entre l’efficacité de votre travail et le plaisir que vous y prenez.
Lorsque vous êtes vraiment motivé pour jouer un morceau, vous pouvez vous focaliser sur ce morceau en évitant de vous disperser afin d’obtenir les résultats les plus efficaces.
A l’inverse, quand votre motivation diminue, vous pouvez vous autoriser quelques écarts en explorant d’autres morceaux ou d’autres techniques, ce qui d’ailleurs ne vous empêche pas de garder en tête vos objectifs principaux.
C’est en jonglant entre ces deux états d’esprit que vous parviendrez probablement à progresser le plus efficacement sans jamais perdre la passion !
Commentaires
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L’avantage de travailler plusieurs morceaux de front est aussi « mécanique » : en plus de la possible (probable) lassitude psychologique de travailler toujours le même morceau, sur plusieurs jours, semaines, voire mois, dans l’espoir d’arriver à la « perfection », il y a la fatigue musculaire/tendineuse engendrée par la répétition excessive des mêmes gestes (accords difficiles, écarts, etc.), qui peut aller jusqu’à la blessure (tendinite…). L’impression de régresser n’est pas toujours qu’une impression : elle est parfois le signe qu’on a besoin de donner un peu de vacances à ses doigts en les faisant travailler différemment, càd sur un autre morceau (qui requiert des gestes différents, évidemment).
salut pasc, et la biguine ,le zouk ,salsa ??? C une autre paire de manche (de guitare)
Tout à fait d’accords, d’autant plus que chaque morceau demande un « doigté », un rythme différent .
Je trouve que comme pour un métier, multiplier les expériences apporte un savoir faire qui permettra de progresser plus efficacement et plus vite dans différents styles par la suite: pop, rock, blues,…
Je partage totalement cette approche.
De plus, en jouant plusieurs morceaux, on progresse forcément plus vite sur un en particulier, ce qui motive pour les autres, y compris les plus difficiles.
Enfin,il est rare qu’une difficulté que l’on arrive à dépasser sur un morceau ne soit pas recyclable dans un autre….
C’est tout bénef !
Merci pour le professionnalisme (mais abordable) de ce site.
Bonjour Pascal,
Votre article est pertinent. Il ne faut pas négliger non plus le fait que ce qui peut bloquer aujourd’hui peut très bien passer demain après l’avoir abandonner quelques heures. Envers et contre tout la guitare est et doit rester un plaisir.
Patrick
Jouer devant le televiseur,ca fait des années que je le fais,c’est efficace puis on peut jouer longtemps sans s’en rendre compte.
Bonjour Pascal
Je me retrouve totalement dans cette façon d’aborder le travail de la guitare , je parle de « travail » car la guitare me donne beaucoup de plaisir mais également beaucoup d’efforts à produire .
Et c’est vrai que je fais en sorte de varier les morceaux afin d’éviter le blocage , la déception du résultat après des heures des jours des semaines de répétitions …
Bjrs Pascal,
Que dire après les commentaires précédent, c’est exactement le cas pour moi, mais c’est un plaisir de découvrir de nouveau titres musicaux, sans délaisser les exercices sur la guitare; rien que le plaisir et ont avance quand même.Merci Pascal de ton aide précieuse. Michel
Bonjour Pascal,
Vous avez beaucoup d’experiences et vos conseils sont utiles et precieux.Ils nous guident vers un travail appliqué en nous permettant d’accéder vers une espace de de temps, de découverte moins ennuyeuse voire monotone.
votre méthode à un sens tout à fait « instinct » et cet instinct devrait être maîtrisé.
Merci beaucoup Pascal de votre enseignement passionné et expert.
Christine
Merci Pascal pour cette analyse en forme d’encouragement.
Ça me conforte dans mon idée d’appréhender l’instrument !
Bonjour Pascal,
Vous avez raison, cependant j’ajouterai que le choix de focaliser sur un morceau ou plus dépend avant tout de notre façon de fonctionner en général. Certaines personnes sont méthodiques alors que d’autres sont du genre bohème. Aller contre sa nature ne donnerait probablement pas les résultats souhaités.
Bravo Pascal pour cette analyse.
Ne faire qu’un seul morceau à la fois deviendrait vite rébarbatif. Je ne le pratique que lorsque je désire faire un enregistrement « studio », je le répète afin qu’il soit le plus parfait possible. Sinon j’utilise un looper en play-back avec une centaine de morceaux que je joue en fonction de mes envies. Pour garder le maximum de sensibilité de jeu il faut mémoriser mentalement les morceaux, les jouer de façon quasiment instinctive pour rester concentré sur l’interprétation. Le fait d’utiliser un play-back apporte une plus grande richesse dans le jeu, on se sent moins seul.
Musicalement votre.
Régis
Bonjour,
c’est amusant : je me reconnais dans cet article. J’implémente avec mon prof. un classeur avec mes morceaux préférés ; aujourd’hui, une vingtaine qui tend vers la trentaine … Je zappe d’un morceau à l’autre selon mon humeur et, ho ! Comme c’est agréable de voir qu’au fil du temps, mon jeu s’améliore 🙂 La réponse est pour moi dans le plaisir !
Merci Pascal pour tes précieux conseils.
Pentatoniquement.
Thierry
Totalement d’accord avec cette philosophie de la guitare, le principal facteur de réussite est le plaisir de faire de la musique. Lorsque la pratique de l’instrument est agréable les heures de travail ne se comptent plus, on en fait beaucoup plus tout en ne pas sentant la charge du travail justement parce que ce n’est pas ressenti comme du travail.
je partage votre philosophie du travail de la guitare.
personnellement je travaille une douzaine de morceaux a la foi en alternant faciles et plus difficiles.
Le concept de plaisir etant personnel , il est difficile de ce positionner avec certitude. Le plaisir n’est-il pas là où on le trouve ?
Les articles sont accrocheurs, nous avons envie de croire à ces messages qui feraient de nous des « virtuoses ». Mais hélas, que de désillusion….. la réussite ( au sens large du terme, aussi petite soit elle, aussi gratifiante qu’elle puisse être) ne passe que par un dur labeur ( sauf exception?) et ce dans tous les domaines. Le savoir passe par la connaissance, la connaissance par la pratique, la pratique par le temps.
Dans un autre domaine, j’ai fait une demande auprès de maestro Pascal (instinct guitare), je suis toujours en attente d’une réponse !!!!
Musicalement
Bonjour
Débutant éternel :-)je m’amuse à apprendre les accords et en parallèle j’essaie de jouer les solos des morceaux de blues. Le cerveau n’est pas un ordinateur, il a besoin de temps pour répondre à nos attentes, la mémorisation des positions et les ordres qu’il donne aux mains n’est pas un mince affaire ! Il faut être patients avec nous mêmes…
Hello Pascal,
Quelle justesse d’analyse ! vos conseils sont toujours pertinents, ils parlent vraiment à nous tous qui connaissons des moments de doute, en alternance avec des moments de grande motivation.
Merci pour toute cette énergie que vous déployez, au service de la guitare et de la musique.
Belle journée à tous
Jean-Marc
J’aimerai jouer un morceau entièrement, mais hélas je sais jouer beaucoup de débuts de morceaux mais aucun jusqu’au bout. Comme tout le monde, quand j’entends un solo par exemple qui me plait, j’apprends les 3 ou 4 premières mesures puis je passe au suivant et ainsi de suite. 🙁
Je n’ai JAMAIS joué un morceau complet et c’est du aux cours de guitare (les profs ne m’ont jamais fait faire un morceau complet malgré ma demande).
Je pense qu’il vaut mieux jouer des morceaux complet pour se faire plaisir.
Bonjour Pascal
Merci pour la justesse et soutiens a tous les amateurs et autres .
Bonne journée.
Bonjour Pascal,
Bravo pour cette analyse, que je partage à 100 % .
Le plaisir avant tout.
Merci pour tout ce que vous faites.
Angelo.
Bonjour Pascal,
article réussi et juste, bravo ! (Je partage de suite auprès de mes élèves ^^)
Une astuce que j’utilise souvent est de trouver plusieurs morceaux (afin de garder plaisir) qui gravitent autour d’une même technique, d’un même concept harmonique ou d’un même pattern rythmique nouvellement abordé.
Au plaisir de vous lire,
Ludovic.
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