Travaillez les deux mains séparément à la guitare

J’ai croisé beaucoup de guitaristes qui, lorsqu’ils tentent d’apprendre un nouveau morceau à la guitare, se sentent vite dépassés par le nombre d’éléments auxquels il faut penser simultanément et le nombre de mouvements qu’il faut parvenir à coordonner.

Par exemple, pour jouer un morceau en arpèges aux doigts, il faut placer les bons doigts de la main gauche sur les bonnes cordes, en prenant garde de placer les doigts près des frettes et de ne pas étouffer les autres cordes.
Il faut faire en sorte d’utiliser les bons doigts de la main droite sur les bonnes cordes et de jouer ces cordes dans le bon ordre.

Il faut aussi respecter le rythme et le tempo du morceau et parfois, il est aussi utile d’accentuer certaines notes par rapport aux autres pour leur donner du contraste.

Bref, pour quelque-chose qui se décrit simplement par l’expression « jouer un arpège », ça va demander au débutant une énorme concentration, et souvent de regarder ce que fait sa main gauche, ce que fait sa main droite, tout en suivant des yeux la partition pour savoir où il en est et ce qui va suivre.

Apprendre à conduire

Concrètement, c’est comme si on demandait à un quelqu’un qui n’a jamais conduit une voiture, qui ne sait pas se servir de l’embrayage ni passer les vitesses, de conduire dans une grande ville aux heures de pointe, de nuit et par temps de pluie.
Même si on prend le temps de lui expliquer comment fonctionne l’embrayage, le levier de vitesse, les freins, l’accélérateur, les phares, les clignotants et les essuie-glace, je doute qu’il parte très confiant et qu’il réussisse à coordonner tous les mouvements correctement tout en anticipant les dangers potentiels.

Pourtant, ce même conducteur, après quelques mois de pratique, est probablement capable de conduire dans les pires conditions, tout en écoutant la radio, en bavardant avec ses passagers et en pensant à ce qu’il va dîner ce soir.

S’il était obligé de se concentrer sur chacune de ses actions, de réfléchir au moment où il va devoir débrayer ou mettre son clignotant, il lui serait impossible de faire tout ça simultanément.
Pour réussir cet exploit, il aura fallu qu’il automatise chacun de ses gestes, qu’il les transforme en réflexes instinctifs.

On en revient donc à la notion d’instinct, et le lien avec le nom de ce site n’est pas un hasard.

En effet, à la guitare, nous visons le même objectif que notre fameux conducteur, à savoir automatiser tous nos mouvements pour qu’ils deviennent des réflexes, qui ne demandent donc plus aucune concentration, ce qui va nous permettre de nous concentrer sur autre chose, que ce soit notre partition, nos paroles si l’on chante en même temps, ou encore l’interaction avec d’autres musiciens si l’on est accompagné.

Automatisez les mouvements

L’avantage, lorsque l’on apprend la guitare par rapport à la conduite, c’est qu’on peut se permettre de faire des erreurs et de travailler par étapes sans que cela ne présente le moindre risque pour soi ou pour les autres.

Or, le meilleur moyen pour transformer un mouvement en réflexe consiste à décomposer le mouvement au ralenti, en se concentrant uniquement sur ce mouvement, et en ne se laissant donc pas distraire par quoi que ce soit d’autre.
Ainsi, notre cerveau est totalement focalisé sur ce que l’on cherche à lui enseigner et il assimile beaucoup plus vite le mouvement en question.
Par la suite, il sera donc capable de reproduire ce mouvement de manière presque automatique, en ne nécessitant plus autant de concentration qu’au début.

Les deux mains séparément

L’une des principale difficultés dans l’apprentissage de la guitare ou d’un nouveau morceau à la guitare réside dans la coordination des deux mains, qui ont des rôles complémentaires mais totalement différents.

Une méthode extrêmement efficace consiste donc à travailler les mouvements de chaque main isolément, afin d’automatiser plus facilement ces mouvements.

Le problème, lorsque l’on travaille une seule main à la fois, c’est que le résultat musical n’est pas flatteur.
Soit on positionne les accords correctement, mais sans jouer les notes avec la main droite, soit on joue les bonnes cordes au bon rythme mais ce ne sont pas les bonnes notes puisque la main gauche ne fait pas son travail.

Il va donc falloir accepter de faire ce travail à titre d’exercice, en faisant abstraction du fait que provisoirement, le résultat ne sonne pas du tout comme on aimerait l’entendre, et que souvent on fait même difficilement le lien avec le morceau que l’on cherche à reproduire.

Une fois que l’on parviens à voir au-delà de ce désagrément provisoire et que l’on prend conscience du temps que va nous faire gagner cette méthode de travail, on a du mal à s’en passer.

La main droite

Pour travailler la main droite (la gauche pour les gauchers) isolément, il y a généralement deux méthodes qui fonctionnent bien :

Laisser les cordes résonner à vide

C’est notamment intéressant lorsque l’on travaille des arpèges, ainsi on entend bien l’enchaînement des différentes cordes et la durée de résonance de chacune d’entre elles.
La seule différence avec le morceau d’origine est que les notes ne sont pas les bonnes, faute d’avoir positionné la main gauche (mais encore une fois, c’est provisoire).

Etouffer les cordes avec la main gauche

Cette méthode est souvent intéressante lorsque l’on travaille un rythme, qui plus est au médiator.
Le médiator a tendance à faire résonner les cordes assez fort, et la sonorité dissonante des cordes à vide n’est pas forcément agréable à fort volume, tandis que l’étouffement des cordes permet de n’entendre qu’un bruit percussif à chaque coup de médiator.
Ainsi, ça permet de se focaliser uniquement sur le rythme, la régularité et la souplesse du mouvement de la main droite.

Pour étouffer les cordes correctement, le plus simple consiste à simplement effleurer les 6 cordes avec la main gauche.
Si on appuie trop sur les cordes, elles vont produire des notes indésirables, et si on n’appuie pas assez, ce sont les cordes à vide qui vont résonner.
Il faut donc trouver le juste milieu et une position confortable pour la main gauche afin de ne plus avoir besoin d’y penser.

Travaillez les deux mains séparément à la guitare

Une autre astuce parfois utilisée consiste à utiliser un chouchou (un élastique pour les cheveux) placé autour du manche,

Travaillez les deux mains séparément à la guitare

ou encore un morceau d’essuie-tout ou de tissu placé entre le manche et les cordes pour étouffer ces dernières.

Travaillez les deux mains séparément à la guitare

Mais la méthode la plus simple consiste quand même à utiliser la main gauche pour étouffer les cordes.

La main gauche

Pour la main gauche, le principe est différent puisque les notes seront bonnes, mais cette fois on ne les entendra pas si la main droite ne joue pas.

Il y a donc là aussi deux options :

Ne pas du tout utiliser la main droite

C’est ce qui permet le mieux de se concentrer sur le travail de la main gauche puisque la seule chose importante est le placement des doigts sur le manche et l’enchaînement des positions d’accords.
Ça permet généralement de repérer les déplacements exagérés ou inutiles des doigts et de tenter d’optimiser chaque mouvement pour qu’il soit le plus rapide et le plus efficace possible.

Jouer une seule fois les cordes après un changement d’accord

Il est aussi possible d’utiliser la main droite uniquement pour jouer les cordes après avoir modifié la position de la main gauche.
Ça permet notamment de s’assurer que les doigts de la main gauche sont correctement positionnés et que toutes les cordes résonnent librement.
Par contre, on ne joue qu’une seule fois pour chaque accord, donc le rôle de la main droite est minime et on n’a pas besoin de se concentrer sur le rythme.
Il est alors possible de rester focalisé sur le travail de la main gauche, ce qui est le but de cette étape.

Un énorme gain de temps

Travailler de cette manière, en se concentrant individuellement sur chaque main peut parfois sembler être une perte de temps, en tous cas c’est souvent la première pensée qui vient lorsque l’on commence à travailler de cette manière.

Il faut apprendre à voir au-delà de cet a-priori parce que dans la pratique, c’est tout l’inverse qui se produit.

Une fois le travail de la main droite assimilé de manière individuelle, il est beaucoup plus facile de se concentrer sur celui de la main gauche.
Et une fois le travail de la main gauche également assimilé, on a l’esprit beaucoup plus libre, et on peut se concentrer sur sa partition, sur l’anticipation des accords suivants ou encore prendre du recul sur ce que l’on est en train de jouer pour en apprécier le résultat.

Donc plutôt que de répéter 100 fois un passage en essayant de tout faire à la fois, mieux vaut répéter 40 fois le travail de la main droite, 40 fois le travail de la main gauche, et coordonner les deux lors des 20 dernières répétitions.
A temps de travail équivalent, vous vous apercevrez que le résultat est beaucoup plus encourageant.
D’autre part, les étapes intermédiaires sont beaucoup plus motivantes parce qu’au lieu de tout rater 100 fois sur 100, vous allez réussir avec la main droite 10 fois sur 40, avec la main gauche 10 fois sur 40 et réussir à jouer le passage de votre morceau 5 fois sur 20.

Conclusion

Vous l’aurez compris, cette façon de travailler la guitare ou d’apprendre de nouveaux morceaux à la guitare est plutôt efficace.

Souvent, le plus difficile est d’accepter de travailler de cette manière en sachant que les étapes intermédiaires ne sonnent pas toujours agréablement.
Mais si on les prends vraiment à titre d’exercices et qu’on se concentre sur le résultat qu’on veut obtenir, on s’aperçoit que les inconvénients sont négligeables face aux résultats que cette méthode de travail permet d’obtenir, et le temps qu’elle permet de gagner.

Et vous, travaillez-vous les deux mains séparément ?